« Une valse à trois temps
Qui s’offre encore le temps
Qui s’offre encore le temps
De s’offrir des détours
Du côté de l’amour »
(Jacques Brel, La Valse à mille temps)
Une dissertation de CG est comparable à une valse : À trois temps, elle peut être dansée par un couple d’êtres vivants et par là même sensibles et chaque valse est alors un moment unique, sinon un enivrement, dont on ne saurait se lasser. Elle peut également être dansée par des automates dont l’accord avec une musique qu’ils ne peuvent entendre est purement factice, assuré par un ressort. Répétition, elle est vite et parfaitement lassante.
Il en est de même pour la dissertation de CG. À trois temps, elle peut être l’expression d’une pensée vivante qui trouve son élan et sa nécessité dans cette contrainte rythmique que sont les trois temps. Comme elle peut donner lieu à tout un travail méticuleux de conditionnement d’automatismes qui ont tôt fait de transformer la réflexion en réflexes plus ou moins assurés.
De la nécessité de la troisième partie ou de la nécessité de tenir la route
Même si le plan en deux parties est accepté, il faut préférer le plan en trois parties. En effet, dans le premier cas, votre correcteur vous suspectera de ne pas avoir su « trouver » une troisième partie. De surcroît, si le sujet a la forme d’une interrogation totale (« Peut-il y avoir une civilisation du désir ? » Sujet EMLyon-HEC, 2020), vous vous exposez à rendre une copie où vous aurez soutenu une chose et son contraire.
À l’inverse, que vous puissiez développer une troisième partie est en soi la preuve que votre plan et, avec lui, toute votre progression argumentative sont pertinents. Ou, pour le dire familièrement, que votre devoir tient la route. En conséquence, lorsque vous analysez le sujet afin d’en dégager le problème qu’il soulève et réfléchissez au plan que vous allez élaborer pour résoudre ce problème, vous devez veiller d’une part à la cohérence logique de cette dernière partie avec ce qui précède ; d’autre part à la force et à la clarté de son contenu.
Ce double impératif vous interdit de vous replier sur un plan arbitraire. Arbitraire, un tel plan ne relève plus d’aucune nécessité logique et n’est plus que l’apparence d’un plan.
Typologie de l’arbitraire ou Mauvais plans
Est arbitraire tout plan qui présente une, plusieurs, toutes les caractéristiques suivantes :
Tout d’abord… Ensuite… Enfin
Ces connecteurs sont fréquemment utilisés pour introduire « Tout d’abord » la première, « Ensuite » la deuxième, « Enfin » la troisième partie. Or, ces connecteurs sont exclusivement temporels. Ils marquent la succession et non l’enchaînement qui doit lier les parties entre elles. Ils peuvent rythmer une exposition de faits ou de raisons. Ils ne les articulent pas les uns aux autres. En les employant, vous décomposez votre propos en trois séquences et ne produisez pas une dissertation. Une dissertation est une chaîne dont les parties et sous-parties sont autant de maillons.
Oui…, Non…, Donc ou Oui et Non : Ça dépend et il faut faire attention
Soit que le sujet ait la forme d’une interrogation totale, soit que votre problématique prenne cette forme, vous êtes tenté de soutenir que Oui, on peut/il faut : que l’on considère tel ou tel exemple… Mais au regard de tel ou tel autre exemple, on ne peut pas/il ne faut pas… Donc, on peut dire que ça dépend et qu’il faut faire attention. En adoptant une telle construction (même avec un peu de subtilité), vous commencez par réduire la dissertation à un exercice de Pour et Contre et votre troisième partie tombe comme un verdict auquel un contenu moralisateur donnerait sa légitimité. Mais c’est oublier que l’on ne vous demande pas de « faire la morale » ni d’apporter des remèdes – des cachets de moraline – au problème qui vous est soumis. Un problème s’analyse et, dans le meilleur des cas, se résout.
I. …, II. …, Dans ces conditions il faut faire appel à l’art…
Déplacer et renouveler le problème posé en mobilisant dans la troisième partie une argumentation d’ordre esthétique constitue pour certains candidats un plan « infaillible ». Mais un tel expédient vous conduit au mieux à des platitudes qui ne démontrent rien, au pire à l’impasse. Bref, le flou, même artistique n’a pas sa place dans une dissertation. Un développement qui emprunte son propos à l’art n’est valable que s’il est appelé – motivé – par le sujet et sa problématique.
La dissertation ou les paragraphes préparés d’avance que l’on s’efforce de recycler
Bien des préparations à l’épreuve de la dissertation consiste à faire apprendre un ou des développements pour les restituer le jour J. Faire un plan n’est alors qu’une opération de recyclage. Outre que l’on ne peut prétendre disserter sans réfléchir, cette façon de faire est parfaitement dégradante, puisqu’elle revient à traiter la connaissance comme un déchet. Car, n’est-ce pas, ce sont les déchets qui doivent être recyclés ! En admettant que vous vous révéliez un habile recycleur… ce procédé ne vous met pas en mesure de réussir les oraux de CSH d’HEC.
Méthode !
Méthode et non recette : une méthode est un savoir réfléchir, une recette est un savoir-faire automatiquement. C’est pourquoi il est attendu d’un professeur qu’il montre comment réfléchir, que son propos soit un « discours de la méthode » autrement dit l’exposé du cheminement qu’il convient de suivre pour s’approprier un sujet et donner forme à sa pensée. Un tel cheminement est toujours à venir, toujours à créer, à faire et à refaire. Aussi tout enseignement fournissant des ready made : plan type, dissertations toutes faites, paragraphes pré-rédigés et autres matériaux prêts à l’emploi est-il un leurre – un sophisme qui réduit la dissertation à un objet de consommation, voire, comme nous l’avons dit, à un déchet.
Cette option est séduisante – et telle est bien la fonction du leurre – car la dissertation relève toujours de la contrainte du plan en trois parties. Mais une structure n’est pas un contenu. L’étudiant dont la préparation a reposé sur cette confusion arrive au concours inquiet : le sujet qu’il a préparé n’a peut-être rien à voir avec celui qui va tomber. Celui qui s’est entraîné à cheminer a appris à avoir confiance en lui et il est impatient de faire ses preuves, de témoigner de sa maîtrise, d’exprimer et d’organiser sa propre pensée devant l’inattendu. Non seulement, sous la conduite de son professeur, il a acquis les connaissances suffisantes pour affronter n’importe quel sujet, mais encore il a appris à les intégrer au déploiement d’une pensée propre. La dissertation en trois temps/parties ne peut être réussie qu’à cette condition : être portée par un je pense.