Pourquoi continuer les mathématiques au lycée ?

« Loin d’être l’exercice ingrat ou vain que l’on imagine, les mathématiques pourraient bien être le chemin le plus court pour la vraie vie, laquelle, quand elle existe, se signale par un incomparable bonheur. »

Alain Badiou dans son Éloge des mathématiques

Les tribunes se succèdent : grands patrons, professeurs, anciens élèves de Grandes Écoles… Tous font le même constat, après la réduction de 18% des heures de mathématiques enseignées en première et terminale : il faut sauver les mathématiques

La classe préparatoire, qu’elle soit ingénieure ou commerciale, participe à ce maintien d’un certain niveau de mathématiques et contribue ainsi à un modèle d’excellence – à comprendre ici, pour une fois, positivement – qui ouvre à ses étudiants le champ des possibles. 

Pourtant, les lycéens tendent à délaisser la matière, considérant – encouragés en ce sens par la réforme du lycée – que l’on peut se passer des mathématiques, qui seraient inutiles à moins de vouloir s’orienter dans un domaine nécessitant réellement d’en faire. Il est vrai qu’Excel compte mieux que vous et moi. De là à abandonner les mathématiques ? Vous abandonneriez l’anglais parce que Google Translate existe ?

Alors, nous vous exposons ici pourquoi il ne faut en aucun cas – ou presque – abandonner les mathématiques au lycée.

Quel choix faire alors au lycée ?

« Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre »

Platon, à l’entrée de son Académie.

Les mathématiques ont été pendant très longtemps indissociables de la philosophie. Aujourd’hui ces matières sont complètement distinctes, dans leur pratique aussi bien que dans la manière dont nous avons de les considérer. Néanmoins, comme la philosophie, les mathématiques nous permettent de comprendre et construire le monde. 

Le XXIe siècle est mathématique. Comment répondre aux enjeux environnementaux, climatiques, numériques, technologiques, énergétiques, économiques et industriels à venir sans les mathématiques ? Si l’étudiant en classe de seconde a forcément entendu parler de ces problématiques, il oublie complètement ces éléments au moment de choisir si oui ou non il veut continuer les mathématiques en classe de première. Mais le raisonnement est biaisé : il se trompe d’alternative lorsqu’il pense établir sa préférence entre l’histoire et les mathématiques. Sans mathématiques, pas d’histoire – ou tout du moins une histoire dont vous n’avez sûrement pas envie. 

Tout se passe comme si la France, en tant que société, voulait aller délibérément dans le mauvais sens. Selon l’étude internationale TIMMS réalisée en 2019, notre pays est le dernier d’Europe, avec un score de 483 points, sous la moyenne internationale des pays participants de l’UE et de l’OCDE (511). Nous étions parmi les premiers il y a 30 ans. Des médailles Fields sont passées par là. Désormais derniers. 

Pour votre compréhension du monde

Apprendre la définition du cosinus va-t-elle me servir ? Existe-t-il un moment dans ma vie ou je vais avoir besoin d’une intégrale ? 

Ce sont des questions légitimes. Je dois confesser que savoir calculer l’intégrale d’une valeur absolue ne va pas vous aider à faire vos courses (quoi que). Mais doit-on se limiter à ce qui sert pour faire nos courses ? 

La rigueur et la logique acquises lors de l’apprentissage des mathématiques sert tout d’abord à structurer sa pensée. Sans être le seul mode de réflexion, les bases mathématiques sont un cadre qui permet de traiter plus sereinement les informations qui nous parviennent : de cette compétence découle la capacité à construire une argumentation, à convaincre par le biais d’un raisonnement construit. 

Mais surtout, dans un monde où la désinformation prend chaque jour de l’ampleur, avoir la capacité de questionner, d’interroger, de comprendre et d’analyser un chiffre que nous donne un média, un politique ou un youtubeur est indispensable. Questionner les hypothèses, comprendre que l’échantillon d’un pourcentage n’est pas représentatif, identifier que la croissance mise en évidence par un graphique relève simplement d’un choix d’échelle. Ces facultés semblent aujourd’hui plus que nécessaires et les mathématiques y contribuent grandement. 

Pour votre carrière

Les enjeux de demain sont conditionnés par les mathématiques ; il en va de même des emplois de demain.

Se dire qu’on veut faire du Marketing ou de la communication et que, par conséquent, on peut abandonner les mathématiques est une raisonnement absurde. Le marketing et la communication de demain (et d’aujourd’hui) doit prendre en compte la data disponible, se penser en format digital, réaliser des projections… Cela sous tend une maîtrise importante des concepts mathématiques. 

Comment par ailleurs percevoir que l’on est moins payé que l’année précédente alors que son salaire n’a pas changé si on ne maîtrise pas les concepts d’inflation (et donc de taux de croissance) ? Comment conceptualiser les intérêts composés utiles à une épargne de précaution en vue de la retraite ?

La situation est d’autant plus dramatique pour la gent féminine : depuis la réforme, le nombre de filles dans les classes mathématiques “expertes” a largement diminué par rapport à l’ancienne voie S. Après des années de lente réduction des inégalités et des mentalités… le risque est de voir les femmes exclues des métiers de demain, ne pouvant être actrices des changements majeurs à venir : nous avons besoin d’un Thomas Pesquet au féminin, d’un Elon Musk au féminin, d’un Emmanuel Macron au féminin. Personne ne vous demande de devenir mathématicienne ; mais il faut prendre conscience que les parcours que vous méritez sont encore conditionnés fortement par une pratique préalable des mathématiques. 

Faire maths expertes ?

La classe « mathématiques expertes » est indéniablement propice à la continuité de l’enseignement mathématique en classe préparatoire mais son existence (par rapport à sa cadette, « maths complémentaires ») ne fait que renforcer un système à deux vitesses que nous sommes les premiers à regretter.

Abandonner les maths, c’est renforcer un certain élitisme et se priver d’une occasion de réduire les inégalités : les mathématiques sont justement une discipline où il est plus facile qu’ailleurs de ne pas s’appuyer sur un « capital social » par essence anti-méritocratique. 

Vive les maths. 

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