« Je ne veux pas passer 2 ans sans avoir de vie » : du mythe autour de la charge de travail en prépa

« Je ne veux pas avoir à travailler autant », est un peu la massue que le lycéen abat au moment d’envisager – plutôt de ne pas envisager – une classe préparatoire. L’argument relève parfois d’une forme de rébellion à l’encontre des parents de type « certes, je ne ferai pas aussi bien que… mais après tout c’est mon problème ! ».

Souvent, ce lycéen glissera à ses amis rejoignant une classe prépa qu’ils « ont bien du courage», exprimant peut-être une vague frustration envers le but que l’on ne se donne pas les moyens d’atteindre. Façon également d’évoquer le fait que le préparationnaire n’aurait pas de vie sociale.

En réponse, le discours, de la part des parents comme des professeurs, se fonde généralement sur le goût de l’effort, expression qui peut vite revenir à traiter le lycéen qui s’inquièterait légitimement de l’équilibre entre sa vie académique et personnelle de « gros flemmard ».

Pourquoi les professeurs poussent surtout les grands travailleurs à faire une prépa

Certains professeurs de lycée, y compris parmi les plus intéressés par l’orientation de leurs élèves, n’ont pas d’expérience réelle de ce qu’est une classe préparatoire, et c’est – hélas – encore davantage le cas en dehors des grands centres urbains. Si un tel professeur peut encourager l’élève qui n’envisage pas initialement une classe prépa mais qui en aurait le potentiel à se lancer, il manque parfois de légitimité pour pouvoir assurer au futur étudiant qu’il pourra concilier la chèvre (le travail) et le chou (une vie) : il oriente donc son discours sur une capacité (fantasmée ou non) de l’élève à se dépasser lui-même… Notre élève « flemmard » peut s’en trouver flatté, mais pas convaincu. Le professeur de classe prépa, rencontré éventuellement lors d’un forum d’orientation, est dans une position différente. L’attractivité d’une classe prépa, donc sa capacité à attirer de bons profils, dépend des classements aux concours, soit du résultat conjoint de la qualité des profils initialement intégrés dans la prépa en question et des progrès qu’ils auront faits en deux ans de préparation intensive.

Nul ne pouvant mesurer précisément la part à attribuer aux qualités initiales des étudiants et celle qui est induite par l’enseignement du professeur, un professeur en classe prépa a indéniablement intérêt à avoir, dès le début de l’année, une classe d’étudiants travailleurs, motivés et ayant obtenu de préférence d’excellentes notes au cours de leur scolarité. Dans ces conditions, un professeur en prépa prendra éventuellement le risque d’encourager un étudiant motivé par l’effort, malgré des résultats limites, mais, rarement, le risque de motiver un étudiant dilettante à rejoindre ses effectifs.

Sauf que… les étudiants qui réussissent le mieux en classe préparatoire ne sont pas forcément ceux qui travaillaient le plus au lycée. Souvent, c’est même l’inverse. Étonnant ? Pas vraiment. Vous essayeriez de faire du 200km/h avec une voiture qui est déjà en 5ème vitesse à 110 ? Nous ne disons pas là que les étudiants qui travaillent déjà beaucoup n’ont pas leur place en classe préparatoire ; nous disons que n’orienter que les lycéens qui travaillent énormément vers une prépa, c’est ne pas en comprendre la vocation.

Les parents et le discours de « la flemme »

Il convient tout d’abord de préciser que les parents qui tiennent à ce que leur progéniture passe par les bancs de la prépa sont souvent ceux qui s’y sont eux-mêmes assis. Se rappelant du caractère unique et extrêmement enrichissant de l’expérience, ils souhaiteraient que leurs enfants la connaissent, mais manquent d’arguments : sur le papier, « deux ans de bachotage », ça n’a rien de sexy.

Le résultat est ainsi souvent un discours orienté davantage sur les bénéfices long-terme d’une classe prépa, qui serait une sorte de pacte avec le diable « échange deux ans de ta vie contre un beau diplôme », assaisonné d’un discours sauce culpabilité sur le fait que « les jeunes de nos jours ont perdu le goût de l’effort et le sens du travail ».

Ainsi posé, le choix offert aux lycéens s’apparente à celui décrit dans un passage du premier livre jamais imprimé en Europe :

« Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en beaucoup qui entrent par là.

Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent ».

La classe prépa serait ici le chemin difficile, nécessairement caillouteux mais qui mène au salut, tandis que toute autre voie ne serait que l’expression d’un goût de la facilité délétère.

Sauf que… Le choix de l’exemple précité montre à quel point le raisonnement selon lequel le salut (académique ou personnel) implique nécessairement un sacrifice est typiquement le fruit d’une culture chrétienne bien ancrée, qui, les chiffres sur le recul de la religion en France (quelle qu’elle soit) le montrent, fédère de moins en moins. Surtout, « en vérité je vous le dis… » la classe prépa n’est pas l’abandon de la vie personnelle de l’étudiant sur deux ans. Et ne doit pas l’être.

 

La classe préparatoire : le premier apprentissage de la conciliation vie professionnelle/vie personnelle

En théorie

La charge de travail liée à la classe préparatoire ne doit pas induire pour l’étudiant l’abandon des activités qui lui tiennent à cœur. Effectivement, il n’est pas souhaitable que le préparationnaire ait une vie de patachon comparable à celle d’un étudiant en L1 à l’université (qui s’ennuie souvent dès novembre, soit dit en passant). Pour autant, les artistes, sportifs, musiciens, grands lecteurs, qui ont un jour été en prépa n’ont pas tous abandonné ni même interrompu leur pratique. Celle-ci peut être adaptée ou réduite, mais la maintenir a un intérêt double.

Sur le plan moral et psychologique, il s’agit tant d’une échappatoire que d’une motivation à être plus efficace, et donc à ne pas travailler de façon extensive, afin de pouvoir s’adonner à une activité « signifiante » (soit qui a du sens pour celui qui l’exécute) et non simplement « significative » (qui a du sens vis-à-vis de l’environnement de celui qui l’exécute). Sur le plan stratégique, le maintien d’une vie en dehors du travail lors de la classe préparatoire est un avantage indéniable au moment des entretiens de personnalité, dont l’importance aux oraux des grandes écoles est capitale : deux ans « sans avoir de vie », ça n’a jamais rendu personne intéressant.

En pratique

La classe prépa est certes une réorganisation de la vie personnelle, sur deux ans, autour de l’axiome du travail en vue des concours : prétendre l’inverse serait un mensonge. Néanmoins, apprendre à vivre en gérant une quantité importante de travail est aussi l’occasion d’un apprentissage de la classification des urgences, de la gestion des priorités, de la capacité à travailler dans des conditions de stress importantes, de la reconnaissance du moment où il faut « prendre une pause » avant de « craquer »… autant de compétences qui serviront aux futurs entrepreneurs, salariés, financiers… parmi vous. C’est aussi ça, les fameux soft skills sur la base desquels se font de plus en plus les recrutements.

Si l’on y ajoute le fait qu’un individu passé par les classes préparatoires saura, quel que soit son résultat au concours, assimiler une masse de connaissance importante en un temps réduit, à l’aide de méthodes concrètes et qui ne s’oublient pas, on obtient une personne capable de changer de carrière, de métier, de mode de vie : à la flexibilité mentale, on ajoute la capacité réelle de se réinventer. En pratique ? Des anciens préparationnaires devenus après une école de commerce galeristes, musiciens, avocats, universitaires, entrepreneurs en série…

Ces arguments, sont, pourtant, encore des arguments de ce que l’on « retire » de ces deux ans de travail. Parlons alors des deux ans en tant que tels.

La classe prépa est comparable à une randonnée : celui qui part à l’ascension du Mont Blanc est certain de passer un mauvais moment s’il considère que marcher au milieu des pierres est par essence désagréable, et n’y va que pour la satisfaction de dire « j’ai atteint le sommet ». Pour autant, ceux qui apprécient la randonnée ne prennent pas de plaisir à l’idée de trébucher sur une pierre instable (les heures de travail en elles-mêmes) ; ils retiennent la joie de sortir victorieux d’un passage un peu difficile (sortir LE plan en dissertation), l’émerveillement à la rencontre d’un bouquetin sur le côté du chemin (les anecdotes passionnantes qui jalonnent un cours), les compagnons de route (des amitiés incomparables)…

Les deux ans passent alors sans (presque) les sentir passer, un pas après l’autre, une journée après l’autre, les heures de marche (de travail) étant aussi des heures de découverte, de progrès, de rires… une fois arrivés en haut du Mont Blanc, vous regretterez que la randonnée soit terminée.

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