« Je peux obtenir le même diplôme sans faire de prépa » : La classe préparatoire est-elle encore utile ?

Intégrer une école de commerce post-bac ou rejoindre une Grande École en passant par les admissions sur titre (AST) sont les deux voies les plus souvent empruntées par le lycéen souhaitant accéder aux mêmes carrières que le préparationnaire.

Peut-on pour autant affirmer que la prépa ne sert plus à rien ? C’est ce qu’en disent certains – avec deux argumentaires différents.

L’école de commerce post-bac ou le « presque pareil »

Pour les premiers, le discours est celui d’un pragmatisme professionnel emprunté notamment à l’Allemagne et à ses voies d’orientation « courtes » : je souhaite faire du commerce/marketing/finance – insérer le métier voulu –, je vais donc directement aller suivre les cours me permettant d’accéder à ce métier. Point besoin d’avoir eu des cours de philosophie ou de mathématiques approfondies pour comprendre le cours de Supply Chain de première année. Dans cette vision des choses, tout avantage comparatif accordé à l’étudiant d’une école post-prépa dans sa vie professionnelle est le fait d’un entre-soi et d’un élitisme passéiste, n’ayant plus lieu d’être en 2022.

Sauf que… il ne suffit pas de dire que le monde réel est injuste pour le changer : il est un fait que sortir d’une école de commerce post-prépa, de celles que l’on appelle les « Grandes Écoles », en particulier lorsqu’elles font partie du Top 5, est un avantage indéniable pour accéder à certains postes et carrières. Alors, oui, il est tout à fait possible de faire du marketing sans être passé par HEC. Mais si votre rêve est d’être le directeur marketing de Kering… et bien c’est mieux. Le point ici n’est pas de dire qu’il n’y a que les entreprises du CAC 40 qui méritent votre attention, simplement de vous inviter à être lucides quant à vos ambitions, et à la meilleure façon de les réaliser.

Les AST ou le « j’ai hacké le système »

Pour les seconds, la stratégie employée est différente : effectuer trois voire quatre années à la fac dans un domaine quelconque, obtenir un excellent score au TAGE MAGE (souvent, à coups de… prépa dédiée, là aussi) et intégrer un programme Grande École en Master 1. Ceux-là suscitent souvent la jalousie des étudiants ex-préparationnaires, qui s’imaginent que les précédents ont « hacké le système » : même diplôme, deux ans de prépa évités.

Sauf que… c’est mal connaître le monde du travail. Cette augmentation du nombre d’AST sortants d’école de commerce n’est pas passée inaperçue pour les recruteurs, et, l’augmentation induite du nombre d’étudiants sortants d’école de commerce conduit le diplôme en lui-même à se déprécier : être passé par une classe prépa, ou avoir une seconde formation en sus de la Grande École deviennent des facteurs discriminants entre les profils. Le passage par une prépa EC est immédiatement associé dans l’esprit des professionnels à des mots comme « sérieux », « rigueur » et « fiabilité », ce qui est loin d’être un inconvénient.

La classe préparatoire héritière de l’humanisme

Les deux raisonnements évoqués présentent de plus le même postulat initial : compte-tenu de sa nature de « préparation » à un concours, la classe prépa serait un moyen et non une fin. On ne peut blâmer les lycéens pour une telle théorie quand l’éducation nationale ne sanctionne pas ces deux années de cours du moindre crédit ECTS à moins d’être inscrits de façon « cumulative » à l’université. Et pourtant, c’est en elle-même que la classe préparatoire est la plus utile.

Cette formation est véritablement la dernière voie « généraliste », une exception à l’époque d’une spécialisation accrue dans tous les métiers, et qui encourage en particulier à devenir un expert dans des matières scientifiques particulièrement techniques. Une matière est l’exemple criant de cette spécificité de la prépa : la culture générale. Derrière cette expression effrayante se cache l’héritière des concepts de l’honnête homme du XVIIème siècle – modèle d’humanité que l’on peut résumer au principe de Montaigne qu’il est préférable d’avoir « une tête bien faite que bien pleine » – et du gentleman : une personne dont la mesure dans le jugement et la sûreté de goût, acquises à l’occasion d’une recherche unifiée et continue du savoir, lui permettent d’être « accomplie ».

Ces considérations peuvent apparaître désuètes ; s’intéresser aux humanités, suranné à l’époque du développement vertigineux de la tech, data et autres blockchains. Pourtant, la course à l’expertise comporte un risque majeur : George Bernard Shaw disait que « tout homme qui est un peu spécialiste est, dans le sens strict du mot, un idiot » ; il fait là référence à la racine grecque du terme, idios, qui signifie « propre, particulier ». L’idiot, étymologiquement, est précisément celui qui pense et agit en fonction de sa particularité, de sa spécialité. Ce faisant, il est dans l’incapacité de sortir de sa propre vision des choses : l’adaptation, le changement, la compréhension des événements est difficile.

Au contraire, l’enseignement généraliste, et des humanités tel qu’il se fait en prépa, vise à apprendre à l’étudiant à réfléchir, c’est-à-dire, littéralement, à opérer un mouvement réflexif pour examiner puis mettre en adéquation avec la réalité ses idées, principes et intuitions.

Alors, si la prépa EC, en ce qu’elle permet d’apprendre à développer une réflexion personnelle, de comprendre les rouages des politiques monétaires, les racines sous-jacentes du conflit entre la Russie et l’Ukraine ou pourquoi Kant et Constant sont en désaccord sur le « droit au mensonge », n’a pas nécessairement d’utilité dans l’exercice quotidien d’un métier (encore que…), elle est indéniablement un avantage dans la vie quotidienne : celui de comprendre le monde pour pouvoir y trouver librement sa place.

Bénédicte Ourbak

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