Ces expressions illustrent une tendance observée dans des dissertations d’économie depuis quelques années.
L’art de la dissertation est un art de la liberté de pensée et d’argumentation consistant à analyser le sujet proposé pour identifier une ou des problématiques, des enjeux, pour développer, sur la base de choix de concepts et d’éclairages factuels, une argumentation personnelle logiquement mais librement organisée. En ayant approfondi vos connaissances et en respectant les principes méthodologiques, vous avez l’assurance d’une excellente note, d’autant qu’un jury doit valoriser des copies personnelles.
Or, nombre de dissertations actuelles s’apparentent à de simples assemblages (le kit) de connaissances superficielles de concepts et d’auteurs (les jacquadit) conduisant à des conclusions et propositions (le yakafaucon) défendues par untel ou untel sans aucun recul ni identification de leurs enjeux. Pourtant, une telle dissertation peut parfois paraître érudite à défaut d’être brillante et être très bien notée à un concours qui enjoint aux correcteurs de tirer les notes vers le haut pour respecter une moyenne et un écart-type imposés. La question est de savoir combien de ces copies aux idées courtes, si ce n’est inexistantes, le sont. Et ceci, personne ne vous le dira. Vous n’avez aucune assurance que ce sera la vôtre. Dans un champ, vous trouverez toujours un trèfle à quatre feuilles. Mais un champ de trèfles à quatre feuilles ?
Le travail d’un professeur n’est pas de préparer à un sujet mais à tous les sujets, de préparer un étudiant, non comme on préparerait un plat, mais d’en faire un cuisinier capable de créer ses propres plats. Il ne devrait pas être travail d’apprentissage de la contrainte mais enseignement d’un art – rigoureux – de la pensée libre et personnelle. Le point commun entre ces deux types d’enseignements de dissertations – l’un, fossoyeur de la classe préparatoire, l’autre défenseur – demeure le plan en deux ou trois parties. Mais dans un cas, il est appris par cœur et conduit les étudiants à s’inquiéter de ne pas avoir préparé un sujet qui va « tomber », faute de plan dans la besace ; dans l’autre cas, il est impatience et excitation de pouvoir enfin exprimer et organiser sa propre pensée devant l’inattendu.
Une pensée lucide suppose de savoir ce que l’on doit aux autres et ce que l’on doit à soi-même. Aucune bonne dissertation ne saurait être invention pure et simple. Elle est toujours appuyée sur des connaissances communes. Mais il y a une grande différence entre connaissances communes et pensée commune. Elle est la même qu’entre réflexion et récitation. Qu’entre élévation et soumission. Il y a ceux qui aiment à penser. Il y a ceux qui aiment la soumission. Ceux-là ne devront pas s’étonner si, une fois sortis d’école, on ne leur demande pas de penser.