Nous vous présentons ici un extrait de notre cours sur L’Alimentation pour les Questions contemporaines. Vous pouvez retrouvez ce cours dans son intégralité en PDF en cliquant ici.
Changer de modèle : une tâche difficile
Des pistes pour changer les pratiques alimentaires et construire un modèle plus sain
Prévenir plutôt que guérir.
L’Assemblée mondiale de la santé a recommandé depuis 2002 de limiter l’apport énergétique en graisses saturées et en acides gras, de consommer davantage de fruits et légumes et de veiller à consommer du sel iodé. Comme le disait Hippocrate « Des aliments tu feras ta médecine ». Les discours sur la consommation alimentaire se sont multipliés (« 5 fruits et légumes par jour », « Manger, bouger », Michelle Obama et Let’s move aux États-Unis).
Médicalement, la prévention de l’obésité passe également par une activité physique régulière (qui permet de compenser les apports caloriques). C’est l’idée d’un « esprit sain dans un corps sain ». Ironiquement, dans certains sports (en particulier de combats), les athlètes qui s’entraînent énormément se permettent de manger des fast-food la plupart du temps sans altérer leurs performances ou même leurs poids (ce qui affecte toutefois la longévité et les risques de maladies).
Le changement des pratiques alimentaires.
Si on donne un mauvais vin à un œnologue, il est probable qu’il ne puisse pas le supporter. Le goût est construit et le palais s’éduque à mesure de l’expérience. Le raffinement du palais peut passer par une amélioration de la qualité des repas servis en cantine scolaire. Faire des repas de qualité une nouvelle norme peut avoir du sens. Les pratiques alimentaires évoluent également : végétariens, végans, localisme (manger uniquement des produits locaux), manger bio (avec une offre croissante de magasins comme Naturia, BioCop, . . . ). À cela s’ajoute la promotion de nouveaux régimes alimentaires : paleo (manger uniquement de la viande), les crudivores (ne manger que du cru), le régime keto (sans carbs), etc.
Encadrer les pratiques des firmes agro-alimentaires.
Les industriels des aliments pour nourrissons doivent respecter les injonctions qui leur sont faites appliquer les normes du Codex Alimentarius. Les États disposent de la fiscalité comme le montrent les taxes appliquées sur les aliments et boissons à teneur élevées en graisses, sucres et sel (HESS) au Danemark, en Finlande, en France et en Hongrie. D’après une étude de A. Astrup (2011), une taxe de 10 % sur les sodas s’accompagne d’une réduction de 10 % de la consommation.
L’Union européenne et les grands États disposent d’un arsenal de règles pour contraindre les pratiques commerciales des industrielles, et éviter la promotion d’aliments dommageables pour la santé. Aussi, les procès gagnés contre des géants industriels (Monsanto) permettent de pénaliser les pratiques frauduleuses de ce type de firmes.
Néanmoins, ces procès sont longs et difficiles, sans réel effet pour le modèle actuel. Dans la préface de l’ouvrage de Paul Shapiro (Clean Meat), Yuval Noah Harari, historien, défend l’idéologie végétarienne, et dénonce l’élevage industriel en particulier la torture animale. Dans un rapport récent (The New Sustainability, 2018), l’agence de marketing américaine Wunderman Thompson appelle ses clients à valoriser davantage une transition vers un modèle plus vert et à lutter contre les conséquences négatives du modèle actuel. Ainsi, Intermarché a lancé en 2014 une campagne de communication sur « Les fruits et légumes moches ».
Mais, il est difficile de distinguer entre changement réel de pratique et simple greenwashing de la communication. En particulier quand certaines entreprises comme Coca font passer leurs produits prétendument sans sucre comme diététiques.
Information et labels
En plus des campagnes de promotion, différents labels et sigles pour signaler la qualité des produits, leur origine ou encore la valeur diététique : sigles, nutri-scores, AOP, label rouge, etc. À l’échelle européenne, l’Europe dispose de ses propres labels avec les AOP, les IGP et les STG. En 2020, l’Union européenne compte plus de 3 700 produits alimentaires dotés d’un des trois sigles qualitatifs.
Une industrie puissante et difficile à transformer
Les profits faits par les firmes dans le modèle alimentaire actuel le rendent très difficile à changer. En France, la création en 2013 de la taxe soda visant à lutter contre la consommation de boissons sucrées s’est soldée par la décision des fabricants de commercialiser au même prix des bouteilles plus petites. Le nutriscore, apparu récemment, fait également l’objet d’une forte opposition des fabricants industriels.
Ainsi, en Italie, l’Autorité de la concurrence a interdit l’utilisation du nutriscore dans le pays et oblige les grands détaillants à retirer cet étiquetage des produits qu’ils vendent. L’Autorité considère que la classification est arbitraire et biaise le choix des consommateurs, principalement car il ne tient pas compte du profil nutritionnel du consommateur.
Pour cette Autorité, sans législation européenne, aucun mode d’étiquetage ne peut être préféré à un autre. Mais, en pratique cette décision reflète le primat des décisions économiques sur les décisions de santé publique.
La concurrence est utilisée comme un argument sur un véritable enjeu de santé publique. Cette opposition s’explique principalement parce que le marché de l’obésité se porte très bien et représente des milliards d’euros de profit (Nahal et al., 2012). Parallèlement au commerce alimentaire, l’industrie pharmaceutique bénéficie également fortement de l’obésité (pilules minceurs, cures, etc.) et voit d’un mauvais œil toute tentative de lutter contre l’obésité.
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