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Notre vision
Les diplômés de grandes écoles souffrent du fait que leur travail les contraint souvent à abandonner leur curiosité intellectuelle.
Les diplômés de grandes écoles souffrent du fait que leur travail les contraint souvent à abandonner leur curiosité intellectuelle.
Lorsque surviennent des évènements ou que de nouvelles problématiques sociétales se font jour, la lucidité est une force. Elle suppose une capacité d’analyser avec le recul nécessaire, elle autorise d’autres jugements que ceux inspirés par l’émotion ou le dogmatisme. Comprendre, c’est mieux juger, donc mieux agir.
La lucidité se travaille, s’apprend, s’acquiert. Elle suppose de savoir reconnaître ce que l’on doit aux autres et à soi-même. Reconnaître une dette et se reconnaître une responsabilité. Qu’il s’agisse de cours ou de conférences – comme La désindustrialisation française pour EDF, Les facteurs de déconstruction européenne pour le festival de géopolitique de Grenoble, Aux racines des inégalités de genre pour Bouygues ou en 2021 « Cryptomonnaies : L’heure ou leurres ? » – je m’impose certains principes.
Ne pas confondre éloquence et compétence. Aujourd’hui, trop nombreuses sont les rencontres où il s’agit de briller par la forme sans que soient soulevées des questions de fond. Les formidables concours d’éloquence du Droit – par lesquels il s’agissait de convaincre de la capacité d’user et de maîtriser le droit et la jurisprudence – tendent, transposés dans des écoles de commerce ou des présentations en entreprises, à devenir de grand-messes où la rhétorique l’emporte sur la logique. Il importe pourtant que le fond conditionne la forme et que jamais la forme ne l’emporte sur le fond.
Travailler sans filet. Un cours, une conférence, un débat, s’ils sont travaillés en amont et si les connaissances sont maîtrisées, ne supposent pas de notes. Un plan doit suffire, reposant sur des idées-forces pour conduire une réflexion. Trop de présentations dépendent aujourd’hui de pwp ou slides… aux mieux redondants, au pire se substituant au discours. Si certains outils peuvent renforcer le discours, d’autres le dénaturent.
Une conférence est le commencement d’une réflexion. C’est un moment où la réflexion débute ou se prolonge, pas où elle se termine. Dans les sciences comportementales – mais même dans des sciences dites plus dures – le savoir est source d’interrogation. Un célèbre tableau de Raphaël (L’école d’Athènes) montre Platon l’index orientés vers le ciel et un au-delà tandis que celle d’Aristote, la paume à plat est tournée vers le sol, comme pour s’appuyer sur l’ici et maintenant :
Platon semble dire : la vérité vient d’en haut, de la métaphysique doit procéder la compréhension du monde réel, de l’inspiration et des concepts l’appréhension de ce que la Nature cache. Aristote semble dire : la vérité est ici-bas, de l’observation de ce que la Nature révèle, des réalités sensibles et de la physique doit procéder la science, dans une démarche inductive. Dans ce tableau, un grand absent mais une présence : celle de Socrate qui, par ses interrogations, par la maïeutique, voulait amener chacun à trouver ses réponses en se posant les bonnes questions. Comme la lumière, qui est et en même temps éclaire ce qui est dans l’ombre, la connaissance est sans cesse renouvelée et suscite en même temps de nouvelles interrogations. Qu’il y ait progrès n’importe pas tant que le fait qu’il y ait émulation, réflexion partagée, renforcement ou remise en cause des convictions.
Ce que tu dis, tu le sais déjà. Le proverbe chinois invite à écouter plus qu’à parler soi-même si l’on veut apprendre au cours d’une discussion. Dans le cadre d’un cours ou d’une conférence, il invite à toujours avoir en mémoire qu’il s’agit d’adapter ses connaissances, sa propre analyse et la manière de les transmettre à son auditoire : les mêmes choses ne doivent pas être dites de la même manière selon que l’on fait face à des étudiants, des spécialistes ou des novices dont les compétences sont autres. Il revient au conférencier de s’adapter, de trouver la distance juste entre une trop grande technicité et de trop grandes facilités. Une distance qui permet d’attirer avec soi dans une réflexion, plus qu’à soi, car il s’agit non de forger la pensée mais l’esprit critique. Il faut savoir rendre simple pour les autres ce qui leur paraît complexe et les frustre, ou au contraire rendre complexe ce qui paraît trop simple, donc souvent source d’idées reçues.
Penser c’est bien ; agir, encore mieux. Consilience, humanités, libéralités, soft/hard skills… autant d’expressions à la mode qui ont la fâcheuse tendance de rendre abstrait le dialogue entre des compétences diverses. La conceptualisation est une nécessité, mais elle ne doit pas conduire à une abstraction telle que la responsabilisation disparaît derrière des coupables faciles : le capitalisme, le socialisme, l’entreprise, l’hôpital, la société, la mondialisation, la vie… ont bon dos. Ils ne sont rien d’autre que ce que des hommes et des femmes en font. Au sortir d’un cours ou d’une conférence, l’enjeu n’est pas seulement de mieux saisir comment et pourquoi les choses surviennent et sont ce qu’elles sont mais aussi de s’interroger sur notre capacité à les faire advenir autrement, ou mieux.
Prendre au sérieux ce que l’on fait sans jamais se prendre au sérieux. Les facéties de Don Quichotte que tout le monde connaît sans l’avoir lu, le Bloody Mary qu’Hemingway a peut-être inventé pour masquer son haleine, les effluves en un lieu intime du lendemain d’un dîner d’asperges de Proust, la Plaisanterie qui initie l’art du roman de Kundera, des scènes de films où apparait Margot Robbie… n’ont aucune raison d’être absents d’une réflexion qui gagne toujours à être joyeuse. Partager le savoir, oser le confronter à celui des autres, vivifie. Le savoir est une force. Il est aussi une fête